Juste quand tu penses que l’hiver ne finira jamais, que la sloche va toujours être là et que la température ne montera plus jamais en haut de 5 degrés, BOUM! Voilà que La Face d’Élyse revient dans ta télé, fleurie comme un parterre de tulipes en face d’un parlement ottavien, signe ultime que le printemps est enfin arrivé et que tu peux mettre ton p’tit coat pas doublé.
La chaleur de son sourire fait sortir les crocus dans les jardins, et le souffle de sa ratoure chasse les nuages gris pour laisser place au bleu du ciel, au soleil et à une toute nouvelle brigade prête à s’affronter à grands coups de «On lâche pas gang!» et de cuissons sur le coffre.
Il est donc enfin là, le premier épisode de la saison douzième des Chefs avec un point d’exclamation.
Bien sûr, ce n’est pas un premier épisode des Chefs! si ça ne contient pas la présentation de pas moins de 13/trop de candidats.
Et ça commence avec…
David, 24 ans, de Saint-Thérèse
Woups, y’a quelqu’un qui a pas parti la hotte de four. C’est plein de boucane dans’ cuisine.

Perfectionniste, minutieux et propriétaire d’un kit de couteaux, David ne fait pas de la cuisine : il fait de l’art. Si jamais ça marche pas aux Chefs, il pourra envoyer son CV au Subway et devenir Artiste du Sandwich.
Pour David et ses comparses, la pression est forte. C’est plus de 75 000 $ en bourses, prix et sacs de pain Saint-Méthode qui seront remis durant la saison, soit assez pour faire trois épiceries et quart pour une famille de quatre, ou 0,6% de la paye de Galen Weston cette année. Z’avez vu? Galen a embauché des consultants qui ont déterminé qu’il méritait une augmentation de 1,2 millions pour son bon travail.
Quossé qu’on disait avant de se donner le goût d’acheter des torches et des fourches en spécial chez Provigo? Ha oui! Les Chefs.
— Mathieu et Caro, affûtant la guillotine
Heureusement, Les Chefs est une présentation d’IGA, voilà!
— Élyse, apaisant les anticapitalistes
Entre les présentations de candidats, Élyse, la diplomatie incarnée, prévient lesdits candidat.es que les «défis seront diversifiés, parfois surprenants, ils vont vous faire vivre toutes sortes d’émotions, il faudra vous surpasser pour impressionner ceux que vous admirez mais que vous redoutez peut-être un peu». Pour celleux qui ne parlent pas couramment la gentillesse, on vous fait la traduction :
«Notre équipe de prod a inventé des défis qui n’ont aucun câlisse de bon sens en ressortant de vieux plats comme le poussin au champagne, la chaudumée ou la galimafrée, et des twists ratoureuses qu’on voit venir comme un cycliste montréalais dans un angle mort de truck, en plus de duels genre faites-nous une mayonnaise sous vide les yeux bandés en slammant sur l’ail noir vous avez vingt-huit secondes c’est parti, le tout pour vous crisser la chienne devant un quatuor de juges à belles babounes que vous aimeriez impressionner assez pour pas avoir envie de réserver sous un faux nom au Saint-Amour à votre prochain anniversaire de mariage.»
Parlant de nos babounes jugeatoires, on nous les présente comme si collectivement, le Québec souffrait d’amnésie et avait oublié le meilleur quatuor du monde depuis Les Sinners. Dans le lineup actuel :
- Jean-Luc Boulay (basse), reconnu pour son rapide jeu de doigts et ses accords «plus de sauce», lui donnant le surnom de «Saint-Amour»
- Isabelle Deschamps-Plante (batterie et voix), qui chante aussi en solo sous le nom de «Ricardo»
- Normand Laprise (guitare), qui joue si vite qu’on lui donne le nickname de «Toqué de la Telecaster»
- Pasquale Vari (guitare, voix et guero), qui enseigne à temps partiel l’art de chanter et de babouner en même temps à l’ITHQ (Institut de tartuferie harmonique du Québec)
Sans oublier la cheffe d’orchestre de ce grand plateau télévisuel, Colombe Saint-Pierre, coach de vie, qui fait de bien meilleurs grilled cheese que Yannick Nézet-Séguin.
Tout ce beau monde est prêt à ce qu’Élyse annonce le défi et à faire une face de what the fuck quand il va se mettre à neiger des pétaques en poudre (c’est thématique, vous allez comprendre).
Le défi de ce soir…
… c’est de ne pas rire/pleurer. Élyse annonce que les candidat.es devront rendre hommage à l’Ukraine et cuisiner du poulet à la Kiev, qui est une escalope de poulet fourrée avec 28 $ de beurre aux herbes, assaisonnée aux bombardements russes dans la désormais indifférence générale et panée. En hommage à la cuisine ukrainienne et aux plus de 36 millions de personnes qui mangent rien que ça depuis le 24 février 2022, les concurrent.es devront accompagner leur poulet pané de patates.
Alors, doux visage élysien, on mange quoi ce soir?
Les concurrent.es sont fébriles, les juges sont fébriles, Jean-Luc a faim parce qu’il n’a rien mangé depuis mai 2022, et Colombe a piqué 3 Red Bull dans la pantry avant que le tournage commence. Compte avec nous et Colombe sur un high de caféine, fructose et première de la saison : 3, 2, 1…
Et notre réaction commune :
Vêtu d’une chemise vert tendre comme une jeune micropousse locale et décoré d’un sourire printanier, Pasquale a hâte de manger de la patatenpourdre.
Tel un spinoff de Shania, c’est Olivier qui nous offre le premier «let’s go gang» de la saison, qu’il lance au cas où quelqu’un serait déjà découragé après 4 nanosecondes de compétition.
Olivier, 26 ans, de Montéal

Ancien étudiant en cinéma, Olivier s’est inscrit à l’ITHQ parce que sa vraie passion est la cuisine, pas le remplissage de demandes de subventions à la SODEC.
La première étape est de détacher les suprêmes, alors les concurrent.es se mettent au couteau. Cédrick a le shake, ce qui est dangereux. À moins de le combiner avec du bake, ce qui ferait une excellente panure pour son poulet.
Cédrick, 28 ans, de Québec

Cédrick est de type sauce. C’est ce qu’il préfère faire en cuisine. Pis on va se le dire, même si on sait pas exactement ce que ça veut dire : il a la face de quelqu’un qui aime les sauces. D’autres ont le type poulet.
Les juges félicitent Émilie, qui est la première à commencer par enlever le crochet, qui est le petit os à la base de la poitrine de poulet et qui permet de se faire un beau foulard en laine le soir au bord du feu. Elle en profite pour inviter Colombe à faire un souhait.
Émilie, 30 ans, de Montréal

Toute la famille d’Émilie travaille en restauration. Elle aurait facilement pu être une nepo baby et elle aussi mettre du chou dans les roteux au resto familial, mais elle choisit la voie difficile en compétitionnant aux Chefs.
Les juges se pâment sur la technique de David. Technique qui, de notre point de vue de néophytes béotien.nes amateur.rices de pléonasme, a l’air d’être de crisser une volée à une poitrine de poulet qui avait rien demandé, mais qui du point de vue des juges sert à «sortir l’albumine de la volaille» et probablement le méchant accumulé dans l’âme du concurrent.
L’opération est cependant interrompue par un étrange son… Est-ce un poulet encore vivant tentant de s’échapper de sous le couteau d’un aspirant-chef? Non! C’est le doux chant de Gabriel, qui adore le film Frozen 2 et espère garder son beurre aux herbes froid grâce aux pouvoirs d’Elsa la reine des neiges.
Son single est disponible dès maintenant dans le iTune Store.
Aucun des juges ne s’est retourné?
— Gabriel, qui s’est visiblement trompé de concours
Gabriel, 26 ans, de Montréal

Gabriel «aime faire du bruit», et c’est pourquoi il se pointe aux Chefs avec son coffre à outils, prêt à faire BZZZ BZZZ BZZZ avec sa perceuse pour enlever le coeur d’une pomme ou BVRRRRRRR avec sa sableuse électrique pour poncer avant de paner.
Samuel a même pas eu le temps d’enfiler son chef coat de dos dans la lumière avec des poussières qui brillent dans les rayons du spotligh qu’il s’est ouvert un doigt, nous offrant la première Face d’Élyse de la saison.
On profite donc de la pause mercurochrome/plaster de la petite sirène/bec et bobo pour le présenter.
Samuel, 28 ans, de Blainville

Samuel s’est inscrit aux Chefs cette année parce qu’il «avait le bagage pour le faire». On veut pas brûler de punch, mais on espère qu’il ne l’a pas encore défait, ce fameux bagage.
Comme l’an dernier, le thème de la récupération et du «tu vas pas jeter ça, c’est rendu que ça coûte 38 piasses pour une boîte de biscuits soda à l’épicerie!» est bien présent. Samuel utilise donc le sang de sa plaie pour faire un boudin, pendant que d’autres font des fonds avec les os, des chips avec des pelures ou des petites maisons avec le styrofoam de la barquette de poitrine de poulet. Y’en a même un qui compte frire les essuie-tout avec lesquels il a épongé son poulet cru.
C’est grâce à toutes ces économies de récupérage que la production a les moyens de se payer autant de livres de beurre. Ça, et le rein qu’Élyse a gentiment accepté d’aller pawner.
«Le beurre c’est la vie», s’exclame juge Boulay, amateur de produits laitiers et d’infarctus. Et parlant de beurre, celui de Valeria impressionne particulièrement les juges.
Valeria, 30 ans, de Whistler, dans le quartier de Mexico, en Colombie-Mexicaine

Autodidacte, Valeria a appris à cuisiner grâce à des vidéos sur internet. On espère vraiment qu’elle ne parle pas des vidéos qu’on voit passer sur TikTok, parce qu’on doute que les juges trippent sur des one pot pasta avec une brique de fromage à la crème et une poitrine de poulet pas salée pas poivrée.
David utilise le Thermomix, pour une technique qu’on ne croyait pas possible : rater du beurre avec des herbes dedans.
Michael utilise lui aussi le Thermomix, avec plus de succès, car il a lu les instructions avant d’arriver sur le plateau.
Michael, 26 ans, de Montréal

Cuisine française, cuisine vietnamienne, cuisine japonaise, cuisine chinoise : l’expérience de Michael est un résumé des catégories de Doordash. Utilisez le code #MichaelLesChefs pour obtenir 15% de rabais sur les frais de 35% que l’app ajoute sur votre commande.
Pour la demi-heure qui reste, c’est opération fourrer-paner-frire pour tout le monde, et les techniques vont du meilleur au woups-tu viens-un-peu-de-scraper-tout-ton-travail-à-date-en-brassant-un-peu-trop-fort. Élodie est dans la deuxième catégorie.
Élodie, 36 ans, de North Hatley

Élodie a 36 ans, ce qui en fait à peu près 73 en années de Les Chefs. «Dans ma cuisine, il y a toujours une petite touche de paillettes.» Les concierges du studio l’haïssent. Ça rentre dans toutes les craques, le crisse de glitter!
Il ne reste que 20 minutes, et le petit montage avant la pub essaie de nous faire croire que ce qui s’en vient va être stressant. Mais pour être bien honnêtes, on n’est pas exactement sur le bout de notre chaise à les voir sortir des croquettes de poulet de la friteuse.
Après autant de saisons et d’épisodes, on est rendu.es un peu insensiblisé.es. On veut pas dire quoi faire à la prod, mais peut-être qu’une des friteuses pourrait exploser? On dit ça, on dit rien, mais Michael Bay a des dispos de ce temps-là.
En attendant, il faut se contenter de Félix qui fait tomber trois bols d’eau en accrochant une planche à découper. [Bâillement]
Félix 28 ans, de Montréal

Félix a su qu’il voulait devenir chef quand il avait 10 ou 11 ans. En regardant la quantité de collagène de sa peau lisse à rendre envieuses des influenceuses beauté, on se dit «Faque l’an passé?» mais non : il a 28 ans et une très bonne crème de nuit. Très inspiré par Colombe, il a à coeur de mettre de l’avant les proverbes d’ici.
Le goûtage et le jugeage
Pour vous récompenser d’avoir lu jusqu’ici, ou minimalement d’avoir lu le premier paragraphe avant de le laisser ouvert dans un onglet en vous disant «je le finirai plus tard», on va vous résumer 13 poulets à la Kiev accompagnés de 13 patates de 13 façons avec 13 sauces et 13 «oui, chef!» de 13 concurrent.es.
Pour ce faire, nous allons vous faire un peu d’hypnose numérique, façon Magic Eye dans les années 1990 : fixez attentivement la bouchée de poulet qui s’apprête à être dévorée par Normand dans ce closeup absolument disgracieux (on espère que la personne attitrée au makeup a maquillé les pores des papilles gustatives), et d’ici 20 à 30 secondes, vous devriez avoir en bouche le feeling d’un poulet à la Kiev soit très sec et trop cuit, soit pas assez cuit borderline salmonelle, selon votre degré de crédulité et les settings de luminosité de votre ordinateur.

Jeu-questionnaire!
Isabelle fait cette face et se sent l’index parce…
- Que la sauce de Raphaël ressemblait à de l’eau pas vraiment assaisonnée pis le poulet était sec.
- Qu’elle essaie de retenir un gros rot après avoir goûté 13 portions de poulet pané rempli de beurre.
Son index sent l’extra ail de Cédrick et le parfum du regret cette nuit.
Raphaël, 32 ans, de Québec

Sportif, Raphaël voit beaucoup de liens entre le sport et la cuisine. On peut souvent le trouver dans le frigo, en train de puncher des carcasses de viande. Ou du tofu, quand il feele végane.
Potin de coulisses, parce qu’on est ben plogué.es de même : on sait de source sûre que les quatre juges ont piqué une petite sieste dans les sleeping bags cachés sous la table, histoire de digérer les 33 956 calories qu’ils viennent d’ingérer à la gang (à peine diluées par la sauce-pas-bonne-qui-goûte-l’eau à Raphaël).
Après leur cure détox au jus vert express le temps que la prod lave la table et parte le lave-vaisselle, nos quatre cavaliers de l’apocalypse culinaire rendent leur verdict : les ⅔ des filles (Valeria et Élodie) sont au top cette semaine, et Ronan se faufile en plein milieu à la dernière minute, un peu comme un Luigi entre Peach et Daisy à Mario Kart.
Ronan, 28 ans, de Montréal

Né sous le ciel de Nantes, celui-là même qui rend le coeur de Barbara chagrin, Ronan fait une cuisine «classique française mais avec une touche de modernizzzz…». Scusez, on s’est endormi.es en entendant ça, parce que c’est le «À propos» de n’importe quel menu de chaque maudite buvette de Montréal. Notre prédiction est qu’il (Ronan, pas le menu) va se faufiler en demi-finale en étant toujours 4e ou 5e à chaque défi.
Soulignons avec bonheur, stupéfaction et roulements d’yeux que ça aura pris 12 (comme dans douze) saisons pour que ce soit une femme qui remporte le premier défi, comme le souligne Pasquale, pis c’est sûr que quand y’en a en moyenne 4 ou 5 sur 13 ou 14 candidats*, ça laisse statistiquement moins de chances de se classer dans le top, entre autres choses qui limitent l’accès aux femmes dans les postes de cheffes (comme le climat macho des cuisines, les horaires pas vivables si tu veux une famille, par exemple) pis dire qu’on commençait cette phrase pour dire brévo Élodie pis qu’on s’enligne pour la finir dans une énième critique de la société patriarcale. Prendriez-vous une autre bouchée de poulet pané au beurre pour faire passer ça?
*À l’exception de la sixième saison intitulée La Revanche où c’était la parité, mais c’était une saison spéciale, pis personne s’en rappelle vraiment, pis oui on a validé ce fait, tu viendras pas dire après qu’on raconte juste des bobards pour faire rire pis qu’il y a aucun contenu pertinent icitte!
Pause capitaliste
Là, ce qui va arriver, c’est que ce texte va passer directement du verdict des juges au Colombarium, sans passer ni par Go, ni par le duel. Le bout de texte qui manque est réservé aux abonnements payants de notre Substack.
On t’explique ici comment ça fonctionne, et tout ce que tu vas recevoir pour tes 5 piasses. C’est vraiment pas pire, même Norm pis Pascou sont d’accord qu’on est un sacré deal.

Merci de nous aider à créer librement tout en payant (un peu) notre épicerie. Parce que crisse que le beurre est rendu cher. On l’a-tu dit?
Au Colombarium
Ayant passé les froids mois d’hiver à lire Le Grand Larousse illustré en sirotant un bouillon de poulet pour l’âme à côté du poêle à bois, Colombe est de retour pour un atelier, forte d’un savoir encyclopédique de plus de 63 800 mots, 125 000 sens et 20 000 locutions, et on ne sait combien de nouveaux proverbes qu’il nous tarde de découvrir cette saison.
Pour son atelier, elle prépare un Coco Club Grilled Cheese, qui sonne comme un nom de club échangiste de producteurs agricoles. En gros, c’est le grilled cheese que tu te fais quand tu as prévu quelques jours d’avance que tu feelerais pour manger un grilled cheese à midi. Ça commence avec un pain rond d’un diamètre égal à ton assiette, ça continue avec du fromage que tu fais fondre au lance-flamme, tu coupes en triangle et au lieu de faire une salade, tu échappes toutes tes herbes fraîches pêle-mêle sur ton sandwich en plus d’une demi-livres d’échalotes frites que tu gardes pour tes snacks de fin de soirée.

La semaine prochaine
D’après le preview, la prod est allée voler des frigos communautaires pleins, les a repeints avec des fonds de canisses de décor de 4 et demi qui traînaient dans le backstore du plateau et demande maintenant aux aspirants-chefs de cuisiner avec ça. De plus, on assiste à un crevettegate, et tout l’épisode 3 sera consacré à l’enquête. Il y aura aussi une série YouTube animée par Victoria Charlton, un documentaire avec des reconstitutions dramatiques narré par Alain Zouvi et un groupe de soutien dédié aux victimes. Oh, et un candidat va crier «let’s go!» et on est tous surpris.es.
À la semaine prochaine!
Un texte savoureux.
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