Visite au Guggenheinz

Ici, à Vas-tu finir ton assiette, nous aimons beaucoup les choses qui se regardent. Que ce soit un char de l’année de couleur vive, le visage d’un être cher ou un batteur sur socle à tête inclinable Cuisinart Precision Master à 12 vitesses, chaque regard posé nous confirme une chose : celui qui a écrit que l’on voit mieux la vie «avec les yeux du cœur» doit avoir de la misère à se rendre chez eux sans foncer dans un poteau. Les yeux, vraiment, c’est The Shit. D’ailleurs, pas pour nous vanter, mais à deux, nous totalisons pas moins de quatre yeux avec une moyenne combinée au bâton de -4 de myopie. Des yeux que nous utiliserons en les plissant bien comme il faut pour vous offrir aujourd’hui un voyage dans le monde des arts visuels.

L’art visuel : le Google Image des temps anciens.
– Mathieu, le poète des temps durs

Les arts visuels, ce sont les arts qu’on voit (du latin visu, comme dans «il faut avoir ben du visu quand tu pisses debout dans le noir le siège baissé»), qui se distinguent des arts textuels (ceux que tu textes en conduisant) et des arts télévisuels (ceux que tu te décâbles de).

Comme en témoignent des centaines de natures mortes que personne arrive vraiment à différencier les unes des autres parmi l’abondance de pommes-poires-ananas-biscuits-soda et pigeons dead, immortaliser picturalement son manger date de bien avant Instagram. C’est pourquoi nous avons sélectionné pour vous, tel un musée pas trop ambitieux, quatre œuvres mettant en vedette de la nourriture, afin d’analyser leur contenu et d’offrir le verdict le plus utile qui soit culturellement parlant : ça donne-tu envie de manger, c’te dessin-là?

Le fils de l’homme, René Magritte, 1946


Le fils de l’homme, qui a failli s’intituler «La pire partie de cachette au monde», est une oeuvre-phare du peintre surréaliste belge René Magritte. Le surréalisme est un style qui mélange le réalisme et l’envie de dire «T’es sûr?» quand le peintre te montre ce qu’il vient de faire.

Le tableau est un autoportrait (le OG selfie, dans le temps que tu pouvais mettre ta face sur des canevas de 6 pieds de haut sans que personne te traite d’égocentrique qui cherche l’attention), mais c’est ben parce qu’on nous le dit qu’on le sait, le visage du fils du gars étant obscurci par un motif récurrent du peintre : une pomme verte. Celle-ci incarne le péché originel, la condition mortelle de l’humain et aussi le fait que René avait ben de la misère à dessiner des faces.

En plus de cette toile, on retrouve la pomme magrittoise dans les tableaux La valse hésitation (un remake pommicole de Eyes Wide Shut), La chambre d’écoute (une toile qui rappelle le feeling de quand tu reviens de cueillir des pommes pis qu’on dirait que toute ta vie va désormais être consacrée à essayer de passer les douze sacs que tu as ramenés avant que les fruits ne deviennent mous et dégueulasses) et Ceci n’est pas une pomme, variante du célèbre Ceci n’est pas une pipe. Et, by the way, René, oui, c’est une pipe, pis oui, c’est une pomme. Arrête de nous gaslighter!

Au moment de peindre un tableau, il est bien important de choisir la bonne variété de pommes. Si vous peignez une pomme Empire, par exemple, votre tableau risque de devenir pâteux à la cuisson. Magritte savait ce genre de choses, parce qu’il avait tendance à toujours peinturlurer les trois ou quatre mêmes affaires. En ce sens, il est un peu le Oasis du monde pictural.

Today is gonna be the day que tu vas peindre un autre maudit fruit
And by now, you should’ve somehow realised que ça devient dole
Je crois qu’un jour on va se tanner de crier au génie
À tout bout d’champ

Parce que peut-être
T’es un dude au fétiche de pomme verte
Pis après toutte
C’est redondant au boutte
– Les frères Gallagher (pas ceux-là, les autres)

Ce tableau donne-t-il faim?

Très peu. Pour avoir la pomme, il faudrait avoir une interaction avec l’étrange bonhomme du tableau, qui nous regarde arriver, avec son œil gauche qui dépasse de sur le bord du fruit. Et tout ça pour quoi? Pour une pomme qu’un gars louche en imperméable a respiré dessus? Non merci.

2,5/5

La Laitière, Johannes Vermeer, 1658


Au premier regard, tout dans ce tableau apaise et incite au calme : la douceur de la lumière, le jeu de clair-obscur, les couleurs délicatement contrastées, les yeux fermés de la servante et son visage incliné, le fait qu’on écrit ceci passé notre heure de dodo.

Quand il n’était pas en train de peindre Scarlett Johansson en turban qui a perdu une boucle d’oreille, Vermeer dit de Delft parce que c’était de là qu’il venait, selon Mathieu de Hochelag’ pis Caro de Limoilou qui l’ont wikipédié, aimait ben gros peindre des scènes d’intérieur. Son trip, c’était de prendre ses propres meubles pis de les déplacer pour créer de nouveaux décors à peindre, un genre de feng shui ou de homestaging de peintre.

Cette Laitière, selon les spécialistes du peintre hollandais, aurait été peinte d’après la pantry de Vermeer, qu’il avait dû vider après un dégât d’eau (remarques les coulisses d’humidité à gauche). C’est pourquoi il n’y a que du pain et une jarre de lait, et aucun contenant de Gattuso ou petit pouding Laura Secord.

Vermeer ne faisait pas beaucoup de cash comme peintre, parce que visiblement, être artiste pigiste en Hollande au 17e siècle, c’était une aussi bonne idée financière qu’être pigiste en 2022. Ça ne l’empêchait quand même pas de se monter tout un bill de pigments hors de prix chez Pigments Dépôt, ce qui lui laissait peu de lousse côté budget pour, mettons, compléter sa corbeille de pain avec un plateau de fromages fins pis du baloney, oubedon ne pas mourir en mettant sa famille dans l’trou.

Vas-tu avoir encore faim après ça?

Malgré le fait que les quignons de pain de Vermeer traînent sur la table pas emballés dans un ti sac de conservation depuis plus de 360 ans, ils ont l’air encore bien frais. On est un peu moins séduits par l’idée de lait crémeux tablette pas pasteurisé et versé dans un pot de chambre, surtout qu’on ne sait pas trop ce que la laitière cuisine avec. Un gros bol de lait tiède? Une soupe au lait? Un pouding au pain? Six litres de béchamel?

3/5

Chiquita, Mel Ramos, 1979


Qui est le produit : la banane ou la femme? Le peintre californien Mel Ramos, longtemps associé au Pop Art par son utilisation de l’iconographie commerciale et sa propension à utiliser la femme comme objet, trippe solide sur les médames pas beaucoup habillées. Les médames pas de vêtements à califourchon sur un cigare, les médames sans bobettes qui se frottent sur des bouteilles de liqueur, les médames les fesses à l’air assises sur un fromage en train de douner un cheddar fort, les médames topless sur un paquet de cigarettes, les médames mon doux chus partie commando à matin qui s’accotent pensives sur une canne de soupe, la seule médame au monde qui aime les Tootsie Roll assez pour se coller tunue dessus… Bref, dans l’univers pictural de Mel Ramos, y’é mieux de faire chaud si tu veux pas avoir les bouttes durs.

Parlant de bouttes durs, la modèle de Chiquita semble trouver ça frisquet astheure qu’elle est épluchée. Est-ce qu’elle sourit oubedon elle claque des dents? En plus, on voit que Mel a peu de notions de gravité, de mode féminine ou de botanique : premièrement, si elle était vraiment vêtue (vêtue, faut le dire vite mettons) d’un suit de banane, comme dans un sketch des Chick and Swell, ben elle tiendrait pas debout sur le tiboutte noir de tout son poids de même. Ah pis si on désépluchait la banane (action inverse d’éplucher), ça y couvrirait même pas le top du mamelon, ce qui est un peu trop casual même pour les casual friday au bureau. Finalement, il manque un élément essentiel à la femme-banane pour que ce soit crédible : les ti sacrament de crisse de cheveux de banane qu’il faut enlever individuellement quasiment à la pince à cils pour que les enfants acceptent de manger.

Cette œuvre compte-t-elle comme une collation santé?

C’est pas super hygiénique, être nue dans l’inflorescence d’un bananier. Le snack semble être plus métaphorique qu’autre chose, genre la femme est la collation et le spectateur est le mangeur, ou une autre connerie de même supposée être une critique de la société de consommation tout en utilisant les mêmes codes pis les mêmes clichés sexistes que le marketing que l’artiste est supposé dénoncer. C’est pas le genre de faux commentaire politique qu’on est prêt.es à avaler!

1/5

Yellow Pumpkin, Yayoi Kusama, 1994


Posée au bout d’un quai sur l’île de Naoshima, la grosse citrouille semble regarder l’horizon, triste et mélancolique. Médite-t-elle sur le sens de la vie? Vient-elle d’essayer pour la sixième fois d’avoir des billets pour l’expo de Yayoi au Centre Phi, en vain malgré ses cinq fureteurs ouverts en même temps, n’arrivant pas à dépasser la 32 863e position dans la file d’attente? Ou, à l’inverse, a-t-elle réussi, et elle repense plutôt au fait que même s’il n’y avait personne à l’expo, on ne lui a pas permis de rester plus de 45 secondes dans les deux Infinity Mirrored Rooms, ce qui est tout juste assez pour prendre un selfie qui a de l’allure, mais bien peu pour profiter de ce moment unique? A-t-elle l’impression que le Centre Phi pourrait slaquer un peu sur le gatekeeping et la microgestion si sa mission était vraiment de rendre l’art plus accessible? Réfléchit-elle au fait qu’elle est une cucurbitacée à la varicelle symétrique? Impossible de le savoir.

Est-on un peu frufrus contre le Centre Phi? Qui peut dire? QUI?
– Caro et Mathieu

Yayoi Kusama se spécialise dans les affaires à pois, les garde-robes en miroirs avec des lumières de Noël et autres affaires qui se prennent bien en photo. Et parce que ça fait de bonnes photos, il est facile de réduire ce qu’elle fait à une gamique, mais elle est quand même pas pour commencer à faire des affaires laittes juste pour plaire aux snobs.

C’est ben beau de peindre ta douleur de vivre avec de l’encre noire et des formes abstraites, l’artiste, mais as-tu déjà pensé souffrir avec des lumières pis des miroirs?
– Caro, curatrice au Centre Fi

Yayoi dit aimer les citrouilles «parce qu’elles ont une forme humaine» (OK, on va essayer de pas prendre ça comme un commentaire mesquin sur notre shape bizarre de tête). Les cucurbitacées seraient même une forme d’autoportrait, et elle s’entendrait donc très bien avec René «dessiner un visage c’est pas facile m’a y mettre une Granny Smith à la place» Magritte.

Vas-tu vouloir t’’n faire un latté?

Yayoi Kusama peint et sculpte des citrouilles depuis les annés 1980 mais, à notre connaissance, elle n’a jamais peint ou sculpté de spice. Qu’à cela ne tienne : lécher une de ses sculptures est probablement une expérience gustative supérieure à lécher une vraie citrouille.

4/5

Petit détour par la boutique souvenir, pour encourager le musée

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Vas-tu finir par lire tous les petits cartons d’exposition?

On a oublié de te dire dans l’intro qu’il aurait fallu que tu lises ce texte debout, les mains jointes dans le dos, d’un regard scrutateur mais connaisseur, hochant de la tête une fois de temps en temps en marmonnant des mots comme «entre figuration et abstraction», «invoquer le réel», «habiter l’espace», tout en te demandant secrètement si c’est vraiment utile de savoir tout ça pour apprécier une douzaine de barbeaux éparpillés dans une pièce. «Oh? Il a quitté Prague en 1743, pour ouvrir un atelier à Budapest, où il a découvert la couleur bleu pâle? Voilà qui donne un tout nouveau sens à cette peinture de Jésus, la 45e que je vois depuis que je suis arrivé.e ici.»

Bref, merci de votre viste. La sortie est à votre gauche. N’oubliez pas de dire que vous auriez été capable de peindre ça.

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