«Vivo per lei (baro a pano)», chantait Andrea Bucatini. Ou était-ce Luciano Pennerôtis? Entéka, en Italie, on niaise pas avec ça, le bar à pain.
C’est par ce barbecue végé qu’on voit toute la résilience et la créativité du peuple qui a inventé le café trop fort qu’on boit dans un shooter, les monsieurs en marbre avec le panini à l’air, pis chanter fort tout ce que tu fais sur scène pendant deux heures pour mourir à la fin. Parce que c’pas une pandémie pis l’interdiction de partager les mêmes pincettes à pain qui vont venir à boutte de cette institution italienne, de ce trésor transalpin, de ce cadeau latin à l’humanité qu’est le bar à pain.
Après tout, avec sa grosse fan juste au-dessus, le bar à pain est mieux aéré que n’importe quelle école. Bravo, l’Italie!

Quoi, comment ça, le bar à pain, c’pas italien?
Si c’est au Pacini, c’pass’t’italien! Ga, même Marina Orsini va manger là, dans la grande tradition des Orsini de l’Italie pis toute!
S’il y a une chose que Pacini a bien établi à travers les 35 dernières années de publicités télé, c’est à quel point ils connaissent ça, les italienneries et les affaires qui viennent de la Botte de l’Europe.
Ooooh! Je viens de comprendre pourquoi le parmesan, ça sent les pieds!
– Mathieu, perspicace
Il y a même des affaires écrites en italien sur les murs, comme on peut le voir dans cette vidéo du Pacini de Drummondville, qui s’est payé un violoncelliste de l’OSM et un drone qui fait des sons d’hélicoptère pour nous montrer à quel point il est vide, le beau resto.

«L’amore della tavola e l’amore per la gente», qui veut dire, en français, «l’amour de la ta volaille, heu l’amour pour l’agente (de bord?)». On a rien vu de plus italien depuis que Ginette Reno s’est exclamé «R’gâr! Y’ont même de la fokatchiâ!» dans une annonce de Mikes.
Même Marco Calliari mange lô! Il y chante aussi parfois, entre deux bouchées de «spaghetti de Bologne» (ils traduisent le menu, parce qu’ils savent que ce ne sont pas tous les clients qui, comme nous, sont parfaitement bilingues du rotini).
C’est un excellent choix de chanson, parce que rien ne dit «révolte populaire contre les dures conditions de travail de l’Italie agricole du 19e siècle» comme chanter à un shower de bébé dans un resto de Saint-Jean-sur-Richelieu.
– Caroline, communiste (surtout quand la facture arrive)
Faque, après cette démonstration basée sur de multiples recherches postpostdoctorales en études latines et théorie du beurre à l’ail, venez PÔ nous dire que c’pô italien, okay, lô? On a mangé là récemment, pis on vous jure que la tite serveuse du Pacini de l’Hôtel Universel d’Alma nous a reçus en nous citant du Dante Alighieri dans le texte.
Non Mathieu, elle a juste dit «donne tes allégories» avec un accent du Lac.
– Caroline, fluente dans le jeannois
On ne pensait pas avoir d’épiphanie culinaire su’l bord du cours d’eau du neuvième rang, mais Mamma Mia : here we bar à pain again. Tel notre bon p’tit Jésus rouvrant la porte de la grotte au bout de trois jours, fringant comme un gars qui a jamais été mort crucifié pis toutte mais comme juste en sursurlendemain de grosse brosse, le bar à pain est ressucité d’entre les traditions perdues de la vie d’avant. Un vrai petit miracle boulanger!

PRÉPARATION ET PRÉSENTATION SUGGÉRÉE
Quand Lorenzo, le gars qui a commandé une batch de gros barbecues intérieurs avec une fanne au-dessus, a compris que c’est pas ça que son boss voulait dire par «va nous acheter des grille-pains», il pensait bien perdre son emploi. Mais chez Pacini, on est plutôt du genre à saisir les opportunités. Et c’est comme ça qu’est né le Bar à pain, marque déposée.

On se grille le pain margariné depuis longtemps chez Pacini. Mais en 2022, ça a un ti-peu changé. D’abord, calmez-vous tussuite le showoff de technique des pinces à barbecue : y’en a pu. On vous dit ça raide de même, mais c’est pour que ça fasse moins mal.
Ashteure qu’on a enlevé le plasteurre de la douloureuse absence des tites pinces que fallait que tu fasses claqueclaqueclaque avec avant chaque fois que tu voulasses t’en servir, on va y aller avec la bonne nouvelle : t’es pas pour autant obligé.e de mettre ta main direct sur la grille du bar à pain.
C’est maintenant que tu le dis?
– Mathieu, la main soigneusement grillée des deux côtés et fleurant bon le pesto
T’es pas obligé.e non plus de manger une tranche toute pognassée parce que les douze personnes avant toi ont skippé les six premières tranches du rack à pain pour en pogner une plus fraîche : on te les apporte non pognassées!
Si ça, c’est pas une garantie d’une expérience digne d’un triple étouellé Michelin, I don’t know what is.
– Caroline, fluente français-anglais-restaurants peuteux
«Mais comment font-ils?» qu’on t’entend crier, le visage déformé par la surprise, la stupeur, l’incompréhension et les synonymes. «Suis-je supposé.e développer une télékinésie de la farine pour flipper ma toast avec le pouvoir de mon esprit, comme un.e X-Men du gluten?» qu’on t’entend ajouter, plutôt que de nous laisser t’expliquer. «Mais commeeeeeent?» renchéris-tu, en te magasinant une solide mornifle. Une mornifla, comme on dit en Italie. (Nous, on dit ça en Italie. Les Italiens, pas tant.)
C’ben simple : tu dois te décider d’avance pour ton choix de pain pis de garniture («vais-je passer la soirée à mal digérer pis à roter de l’ail dans le visage de ma douce moitié, ou suis-je une personne qui aime pas prendre des risques et se satisfait de sa vie beige pis je prends margarine nature?»). La serveuse/le serveur/il servore/Gigi L’amoroso t’apporte tes deux tranches (on s’sent rationnés comme pendant la Grande dépression, but okay), ta garniture et une fourchette, pis c’est ta job de beurrer ça à ton goût et d’essayer de pas l’échapper sur le tapis à motifs en te rendant.
Juste deux tranches? Alors c’est comme une entrée? Un antipasto avant le vrai bar à pain?
– Mathieu, qui a bien l’intention d’être fait à 80% de mie avant de sortir d’ici
C’est manuellement plus challengeant comme bar à pain, mais ça rend les choses encore plus excitantes. Life on the edge, avec de la margarine dessus!
Quand je manque de défis au travail, je m’entraîne à piquer du Gadoua avec une fourchette à fondue en prévision de ma sortie annuelle au Pacini.
– Caroline, professionnellement ambitieuse
Qu’est-ce que ça goûte, le pain de bar à pain? On te dit ça tout de suite après cette pause publicitaire!
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Et maintenant, quossagoûte?
DÉGUSTATION
On pourrait vous faire perdre votre temps en vous faisant lire 450 mots de critique de tous les plats dégustés au Pacini avant d’en arriver au bar à pain, mais on le fera pas. Le temps, c’est de l’argent, pis on veut avoir le temps pis l’argent d’aller faire une autre round de pain à l’ail avant de se rererererereconfiner. Parce que le bar à pain en DoorDash, c’pas tant yâble.
Une fois sur deux, mon livreur oublie de beurrer et de griller les deux bords égal faque j’y donne pas une cenne de tippe.
– Mathieu, gratteux du pourboire mais généreux du beurre à l’ail
Quand tu maîtrises comme nous l’élégant coup de poignet digne d’un violoniste de concert et le sens du timing nécessaires pour obtenir une grillade parfaite, où les lignes de cuisson forment un parfait tic-tac-toe couleur PANTONE 18-1028 TCX «Emperador» auquel tu peux essayer de jouer avec les ti-morceaux de persil, goûter est presque accessoire. Le vrai bonheur est dans le geste accompli avec perfection, dans cette chorégraphie soigneusement répétée, dans cette quiétude mentale proche du nirvana que tu atteins au moment précis où le pain et la garniture entrent en contact avec la grille brûlante et que le bruit d’un frémissement, d’un grésillement, non, d’une symphonie se fait entendre. Pssscchhhhhhhhhhhht! Le son de l’allégresse. La tonalité du bonheur.
Checkez-nous ben nous bourrer la ’eule.
Oui, certes, le pain est moelleux entre les deux surfaces qui crounchent, et la margarine est le complément parfait de ce triumvirat de la toast. Mais ce que ça goûte surtout, c’est le bonheur d’avoir travaillé pour son repas. C’est pas juste la rôtie qui t’a permis de t’éclipser de la table quand y’a eu comme un genre de creux gênant dans la conversation pendant que bo-papa demandait «mais les bissessuels, là, y s’branchent pas au fond? oubedon y’aiment ça courir la galipotte de toué bords?», c’est le symbole de ton dur labeur. Y’en a qui font de longues études à l’ITHQ pour avoir le privilège de cuisiner dans un resto, pis te v’là, toi, le p’tit gars d’Hochelaga, la grand fille de Québec, en train de réinventer le pain tranché en le beurrant DES DEUX BORDS. Tu as su le tourner juste au bon moment, puis le retourner encore deux ou trois autres fois parce que t’as juste pas la patience pour pas gosser après, et te voilà récompensé.e d’une tranche parfaite.
Bravo, le barman du pain. Bravissimo, la mixologue de la margarine. Tu as bien mérité ton repas.
VAS-TU FINIR PAR RETOURNER AU PACINI?
Legit on comprend pas si tu t’es rendu.e jusqu’ici sans avoir un onglet ouvert à côté pour booker ton souper au bar à pain le plus près de chez toi. Bien entendu, faut payer pour tout ce qui vient avec le bar à pain, comme les gigantesques plats de pâtes qui font des restants que tu vas oublier de manger pis la pizza en forme de lapin si tu as moins de 12 ans (si tu as moins de 12 ans, quossé tu fais icitte pourquoi t’es pas couché.e?).
L’inflation, les modes et la pandémie auront eu raison de la tite cerise au marasquin trempée dans le pseudo cocholo que tu lichais la queue pour pas en laisser, mais rien, rien, RIEN *poing levé au ciel en guise de défiance* ne viendra à boutte du bar à pain.
Notre histoire d’amour ressemble à du Gadoua
J’ai loué pour un soir toutes les banquettes d’Alma
Il y a sur tes lèvres un peu de margarine au thym
Et moi dans mes rêves, j’ai des envies de bar à pain
Woh-oh-oh-oh, je t’aime à l’italienne
Woh-oh-oh-oh, je t’aime à l’italienne
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