#49 – Un jour, les dégustations vont revenir au Costco

À la demande générale, on devait vous faire une critique des céréales Tim Hortons. Ouin. Mais en ce moment, on aurait l’impression d’encourager le monde à aller à l’épicerie rien que pour en acheter, pis loin de nous l’idée de mettre votre vie en danger pour 30 g de sucre par portion de 34 g.

En temps de confinement, on a les amis qu’on peut. Mathieu a surnommé sa boîte Timmy.

Vous la voulez quand même?

Voici : les céréales au gâteau de fête goûtent effectivement le gâteau de fête, ce qui est ironique parce que si tu donnes ça à ton enfant tous les matins, c’est pas sûr qu’il va se rendre jusqu’à son prochain anniversaire.

Cette blague serait plus drôle si on avait pas peur nous aussi de ne pas se rendre à notre prochain anniversaire.
– Mathieu, qui va aller se popper une Xanax

Hmmm hmmm.
– Caroline, qui a déjà la face dans sa deuxième bouteille de vin thérapeutique

Voilà. C’est fait. Astheure, RENTREZ CHEZ VOUS! Pis qu’on en attrape pas parmi vous à lire ce texte en groupe à haute voix comme si c’était un radio-roman, viarge.

L’heure est grave. Sur le piano de la vie, l’heure est une des notes à gauche du clavier, dans le bas. Un genre de do dièse. Grave de même.

À l’épicerie, on contingente même les Fritos!

Les étagères à moitié vides du Métro donnent un petite vibe d’apocalypse Nos Compliments au geste pourtant si banal de faire sa picerie.

Les gens se sont pitchés sur les sacs de farine (mais juste la blanche, parce qu’avec la pénurie de papier cul, c’est pas le temps de se mettre aux fibres!). On sent que plus d’un Québécois va découvrir dans les prochaines semaines que de la levure, c’est pas éternel. Celle que tu as achetée il y a cinq ans quand tu as eu un trip de pain qui a duré deux semaines? Désolé, buddy, mais elle est morte. Prépare-toi à manger du pain massif ou à refaire la brique de ton foyer.

Anyway, la peur de mourir aide à la régularité!

L’heure est grave, qu’on vous disait. Et malgré tout, la vie est prise pour continuer. Dans deux semaines, entre deux conférences de presse d’Horacio, les vestons d’Horacio, les cravates d’Horacio, et François Legault pis l’autre, là, la femme, ça va être Les Chefs à la tévé.

Les Chefs 2020, épisode 1 : si tu l’as, elle l’a, elle l’a elle l’a

D’habitude, Caroline et Mathieu sont depressed sur leur divan, entourés de miettes de Doritos, à prendre une shot chaque fois que le Docteur Arruda dit de quoi qui va finir en meme dans deux heures. Cette fois-ci, ils ajoutent à leur 11 heures de télé quotidienne la nouvelle saison des Chefs où il va se passer moins d’affaires que d’habitude parce que toute la prod est en quarantaine depuis qu’elle est allée à Cuba.

Sainte-Élyse arrive, vêtue d’un hazmat suit signé Denis Gagnon, et on pourrait la sentir frétillante de démarrer cette nouvelle saison si seulement on pouvait voir son doux visage derrière le masque de 12 pouces dans sa face.

Pour le premier défi de la saison, les concurrents (tattoos, calotte, bandana, calotte, tattoos, tattoos, moustache, tattoo de moustache, bandana sous calotte, fille, fille, fille à tattoos) devront nourrir une famille de 5 dont le père est au chômage et la mère travaille comme infirmière auxilliaire au péril de la santé de ses trois enfants dont son plus jeune asthmatique, et ce, uniquement avec une canne de lentilles quasi arrachée des mains d’un boomer et ce que les aspirants chefs auront trouvé dans le fond de la pantry datant de l’an dernier.

Je pouvais pas faire mon épicerie avant : j’étais à Las Vegas jusqu’à hier soir!
– Le boomer, qui a bien l’intention de se mettre en quarantaine, sitôt qu’il a fini de faire le tour de la ville en métro pour aller siroter son café au food court du centre d’achat avec 48 de ses amis après avoir toussé dans la face de la caissière de la SAQ Dépôt de Saint-Jérôme

Lorsqu’Élyse donne le go, les aspirants chefs se dirigent de façon semi ordonnée dans ladite pantry, entrant un à un et se lavant les mains à contrecœur avant et après avoir pognassé toutes les tomates pour en trouver une mûre-mais-pas-trop et touché à toutes les bouteilles d’huile de truffe pour prendre celle au fond pis finalement changer d’idée.

«Surtout, gardez en tête vos classiques : soyez un peu désagréables avec la caissière et sortez un vieux mouchoir de votre poche pour vous essuyer le nez avant de payer», lance un Jean-Luc toujours aussi soucieux des bonnes bases.

Daniel, heureux de rencontrer la nouvelle cohorte mais de loin, visite chaque station avec sa p’tite pompe de Purell, judicieusement placée tous les 2 mètres. Il constate que certains rushent avec l’idée de faire un tataki de lentilles servi sur espuma de lentilles, et songe à retourner dans un resort à Cuba, parce que là au moins, on mange bien.

Comme à son habitude, Pasquale fait la baboune, mais il est plus difficile à lire.

Pasquale est notre spirit animal.

Normand, lui, a décidé de rationner tout le monde sur le sel. Une pincée par concurrent, pis que ça vienne pas chialer après que ça goûte ardjien.

Coudonc, vous connaissez pas ça, l’Herbamare?
– Normand, qui s’en crisse astheure de respecter le produit et s’prend une shot de fort sous la table des juges pendant que le caméraman filme ailleurs

Pause commanditaire : deux petits chats Cotonnelle parlent de leur inquiétude à continuer d’approvisionner tout le Québec en produits sanitaires. Metro mon épicier incite les gens à faire leur épicerie sur le web, pis c’est pas si mal, la prochaine livraison disponible sera le 26 septembre.

Hein, je vais pouvoir manger à ma fête!
– Caroline, le coeur en liesse et l’estomac en détresse

C’est alors que notre Sainte-Ratoure arrive dans la cuisine en poussant son petit caddie, dont elle a soigneusement désinfecté la poignée, telle une Howard Hugues en talons hauts, avec une lingette Lysol et une solution maison composée de vinaigre, d’huile de thym et de wishful thinking.

C’est important que le wishful thinking soit biologique. Les pesticides, ça peut vous rendre malade.
– Jacynthe René

«Aspirants chefs, je vous demanderais de tout arrêter!»

Non, y’a pas de défi à annoncer. Il faut juste tout arrêter. Ce qu’Élyse traîne dans son caddie, c’est le contenu de sa loge : un rouge à lèvres Lancôme #26, «Tomate mûrie sur vigne», son costume d’Enfanforme, une fougère, pis un paquet de crayons qu’elle a volé à la production. Elle rentre chez elle se mettre en confinement.

Le reste de la compétition se fera en télétravail, avec Daniel qui crie le temps qu’il reste sur Skype pis que ça bogue des fois pis ça fige parce que la bande passante est pas top au chalet.

Aspirants chefs, il vous reste 5 minutes à vivre!
– Daniel, qui rushe beaucoup émotionnellement de ne pas pouvoir faire de colleux virils aux aspirants chefs qui quittent

La majorité des concurrents ont écouté la consigne. Ne reste dans le studio qu’un jeune à calotte en spring break et un octogénaire qui se fait un plaisir de nous rappeler que dans son temps, «on se faisait des anticorps en léchant les rampes d’escaliers du Eaton».

Dans leurs tristes chaumières respectives, avec leur Thermomix comme seul compagnon d’infortune, les trois juges, le coach et l’animatrice mangent du couscous bouilli chacun de leur bord en se demandant quand ils pourront se revoir.

De retour dans la vraie vie

Tu trouves que le monde capote pis que la COVID-19, c’est pas plus dangereux qu’une grippe? On t’invite à aller crier ça le plus fort que tu peux dans la Petite-Italie, voir combien de temps ça prend avant que Dino Tavarone vienne te péter la yeule.

Laissée à elle-même, la COVID-19 pourrait se répandre à la même vitesse que la formule «Le macramé/homeschooling/peeling des sourcils maison au temps du coronavirus» s’est répandue dans les médias. Et pourtant, on dirait que certains n’arrivent pas à comprendre.

À peine débarqués de leur bateau de croisière, ils s’en vont respirer dans le cou de la personne en avant dans la file de la SAQ. Si on pouvait encore sortir de nos maisons, on irait au Ikea pour acheter une cinquantaine de tables à flipper.

Me tenir le plus loin possible des gens qui font des croisières, c’est une règle que j’applique aussi en dehors des périodes de distanciation sociale.
– Mathieu

Notre proposition : on annonce que le buffet de la Casa Corfu est gratisse, on laisse entrer ceux qui sont prêts à manger avec leurs mains des spare ribs servies avec la cuillère que tout le monde a touchée avant eux, pis on barre la porte derrière en leur lançant des p’tites nakpins humides pis un beau «bonne chance». Contaminez-vous entre tapons, en répétant que «faut ben mourir de kek chose, hein!». Nous, on va aller continuer d’essayer de vivre.

Pis «essayer», ces jours-ci, c’est vraiment le bon mot.

Entre les 5 à 7 en FaceTime où on rigole avec les amis pour masquer l’inconfort de notre quotidien surréaliste, on essaie de se faire accroire que notre quarantaine est un party instagramable pis que notre choix de carrière était vraiment une bonne idée.

J’ai étudié la littérature surréaliste à l’université. C’est ça.
– Caroline, qui fait juste être découragée parce que c’est pas une joke

La seule consolation, c’est qu’on est tout le monde dans le même bateau (pas de croisière). Mais à au moins 2 mètres les uns des autres. L’important, là, c’est qu’on s’y mette tout le monde en même temps, exactement comme la toune que t’étais pu capable d’entendre à ICI Musique.

Si on mettait le coude d’in airs
En toussottant
Est-ce que ça ferait rire la caissière?

Revenu d’un Costco de banlieue
J’ai le derrière en feu

On vit en solitaire
À deux mètres en tout temps

Et si tout le monde en même temps
Fermait sa fenêtre
On f’rait passer la tempête

– Louis-Jean «Karkwa que tu fasses, reste cheu vous» Cormier

Dans un processus qui va être beaucoup plus long que ce qu’on pense, comme faire cuire une dinde à Noël, on est rendus à l’étape où on dessine des arcs-en-ciel en se répétant que «Ça va bien aller». Colle ça dans ta vitre. Change ta photo de profil. Continue à avancer, continue à respirer, tousse dans ton coude.

Personne n’ose expliciter ce que veut dire «bien aller». C’est combien de morts, «bien» ? C’est combien de mois sur le chômage, «aller»? Et ça va aller bien partout, ou juste ici ?

Ça va bien aller… un moment donné. En attendant, on cuisine des tartelettes portugaises en l’honneur du gars qui nous donne l’impression qu’on peut encore avoir le contrôle sur quelque chose, ne serait-ce que sur la température du four pis le temps de cuisson.

Ça va bien aller. Suffit de ne pas regarder ni devant, ni par la fenêtre, ni sur un quelconque fil de presse.

Oups. Fait combien de paragraphes qu’on vous a pas fait rire avec notre texte? C’est ce qui arrive quand on se met à y penser trop longtemps. Heureusement, Les Chefs recommencent bientôt. Ça va bien aller. Toutte va bien aller. À moins qu’on leur demande de faire des pâtes fraîches maison.

3 réflexions sur “#49 – Un jour, les dégustations vont revenir au Costco

  1. Allo la gang, heureusement, après tout ce temps, c’est toujours hilarant de vous lire. j’ai hâte à la prochaine. au moins, on rit.

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  2. Bon, ben, finalement, je m’ennuyais plus que je le pensais avant de me mettre à vous lire. Content que vous soyez de retour dans nos vies, et bien hâte de vous lire en direct pendant les Chefs. Alles-vous aussi commenter le prequel-Making of les Chefs, ça m’a^âraaît comme une source infinie de récupérations de vieilles jokes et de bons souvenirs.

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